Face à la multiplication de sollicitations que reçoivent les enfants à la consommation de produits sucrés ( au domicile ou à l’extérieur ), je me demande s’il n’y a pas une composante sur laquelle on peut agir.
Ces sollicitations peuvent prendre la forme de :
- goûters anniversaire à l’école ou chez les copains, - goûters dans les clubs de sport, après les entraînements et les compétitions, - produits sucrés proposés au marché, au restaurant presque systématiquement,
- récompenses ou cadeaux de la famille, des invités
- publicité pour produits sucrés
- fêtes foraines, halloween etc
Ce manque de contrôle sur leur consommation de produits sucrés surtout à l’extérieur me semble être un facteur possible de déséquilibre alimentaire. Des actions de sensibilisation pourraient être engagées dans les clubs sportifs ou structures organisatrices de goûters d’anniversaire cependant j’ai choisi de concentrer mon étude sur le goûter quotidien préparé à la maison (consommé sur place ou à emporter) et en particulier sur ce qui peut être amélioré et les bienfaits que cela pourraient engendrer.
De nombreux articles sur le sujet, basés sur les déclarations d’instances de santé telle que l’OMS qui a récemment relaté ( juillet 2019 ) une surconsommation de sucre chez les enfants de 4 à 18 ans avec les problèmes de santé qui en découlent.
Il s’agit donc à mon sens d’un problème d’actualité étroitement lié à la diététique et à la nutrition.
Le goûter quotidien des enfants est-il en partie responsable de leur excès de consommation de sucre ?
Parmi les hypothèses que j'ai voulu étudiées :
la place des produits industriels,
la composition du goûter,
les croyances et comportements alimentaires (récompenses, faire plaisir,...) sur les produits sucrés.
LES RISQUES POUR LA SANTÉ
On sait aujourd’hui qu’une consommation excessive de sucre chez les enfants peut entraîner : un surpoids, une obésité ainsi que des problème bucco-dentaires (caries) dans un premier temps, puis dans un second temps, l’apparition précoce de maladies chroniques et certains cancers. Un enfant s’il est atteint de plusieurs de ces maladies pourrait souffrir de ce qu’on appelle le syndrome métabolique qui augmente fortement le risque de décès prématuré selon le Dr Robert Lustig dans son ouvrage « sucre, l’amère vérité ».
Dans sa note d’information sur l’apport de sucre recommandé pour les adultes et les enfants, l’OMS parle d’un constat alarmant concernant le surpoids pondéral et l’obésité infantile.
CONSOMMATION DE FAIT
Sur un plan national, l’ANSES (2019) constate que 75 % des enfants de 4 à 7 ans et 60 % des 8 à 12 ans ont des apports excessifs en sucres. Elle pointe du doigt en particulier les biscuits, gâteaux, pâtisseries fréquemment proposés aux enfants pour leur goûter.
De quels sucres parle t on dans mon enquête ?
Il s’agit des sucres libres, qui comprennent les sucres ajoutés aux aliments par le fabriquant ou la personne qui les prépare ou le consommateur lui-même, ainsi que les sucres naturellement présents dans le miel, les sirops, les jus de fruits (pur jus ou à partir de jus concentrés).
Dans mon enquête, ne seront pas considérés comme sucres libres, ceux présents dans les fruits frais entiers ainsi que le lactose car d’après l’OMS car il n’y a pas de données factuelles permettant de faire un lien entre leur consommation et des effets nocifs sur la santé.
LES RECOMMANDATIONS DES INSTANCES DE SANTÉ
On recommande que les sucres libres chez l’enfant ne dépassent pas 10 % de leur apport total en énergie. Le seuil à ne pas dépasser est fixé à 60g pour des enfants âgés de 4 à 7 ans et à 70g pour ceux âgés de 8 à 12 ans (*avis de l’ANSES du 25 juin 2019). De plus l’OMS recommande chez l’enfant un apport réduit de sucres libres tout au long de la vie. Le ramener à moins de 5 % présenterait des avantages supplémentaires pour la santé (respectivement 30g pour les 4/7 ans et 35g pour les 8/12 ans).
LE QUESTIONNAIRE D’ENQUÊTE
Les objectifs de mon enquête
Juger de la place des produits industriels et analyser les problèmes que cela peut engendrer.
Évaluer la composition du goûter quotidien des enfants de 4 à 12 ans afin de faire une analyse nutritionnelle lorsqu’il s’agit de produits industriels en tout ou partie.
Étudier les comportements, habitudes, et croyances alimentaires autour du sucre
Me rendre compte des problématiques rencontrées par les parents avec des questions ouvertes.
La population interrogée
Je pense que les enfants de cet âge ne sont pas conscients des conséquences de leur comportement alimentaire sur leur santé, surtout pour les plus jeunes d’entre eux, c’est pour cela que j’ai choisi interroger leurs parents. D’ailleurs, d’après le questionnaire, ce sont bien 80 % des parents qui préparent ou composent le goûter de leur enfants. La population interrogée sera donc des parents d’enfants âgés entre 4 et 12 ans, j’ai établi cette limite en rapport avec les chiffres de l’ANSES.
L’Interprétation des résultats
Le goûter comprend-il des produits industriel ?
A cette question, on constate que 95 % des enfants consomment des produits industriels au goûter dont 19,5 % exclusivement, Seulement 4,9 % des parents interrogés préparent des goûters « fait-maison » ce qui est très peu. Unanimement les parents ont exprimé leur manque de temps pour justifier l’utilisation de goûters industriels.
Le premier constat est donc l’utilisation majoritaire des produits industriels dans la composition des goûters quotidiens. Ce sont des produits pour la plupart gras et sucrés dont il est difficile de décrypter les compositions. Aujourd’hui, la loi n’oblige pas les industriels à indiquer sur leurs emballages, la teneur en sucres ajoutés. De plus on retrouve des termes « extrait de malt d’orge », « sirop glucose-fructose », « mélasse », « jus de fruits concentrés » entre autres, qui sont également des sucres libres présents dans ces produits mais difficiles à identifier et à quantifier pour les parents. Le contrôle de l’apport en sucres est donc limité dans l’utilisation de ces produits en plus des listes plus ou moins longues d’additifs parfois controversés.
La facilité d’accès au produits industriels, leur effet de séduction auprès des enfants, leur praticité de transport et leur conservation aisée en plus du manque de temps explique ce choix.
Voyons maintenant parmi ces produits lesquels sont le plus souvent retrouvés dans la composition des goûters :
Les gâteaux et biscuits sont quasi systématiquement proposés, les compotes très souvent, yaourts à boire, viennoiseries, jus de fruits et sodas régulièrement, bonbons, confiseries et barres de céréales plus rarement.
Cette pyramide m’a permis de composer des goûters types les plus représentatifs possible afin d’en faire l’analyse nutritionnelle (à l’aide des quantités moyennes utilisées par les parents) pour évaluer leur apport en sucres libres.
On arrive à une moyenne de 42g de sucres libres apportés par les goûters exclusivement composés de produits industriels, soit 70 % de l’apport journalier conseillé pour les 4/7 ans et 60 % pour les 8/12 ans. Cette valeur est bien au dessus des 5 % de l’apport énergétique total vers lequel il faudrait tendre selon l’OMS.
Avec un besoin couvert à plus de 70 % de ses besoins en sucres libres avec le goûter, sans compter les desserts des 2 repas principaux et le petit déjeuner, on peut imaginer aisément que les valeurs des recommandations puissent être dépassées à la fin de la journée.
Maintenant, si l’on fait le même calcul en remplaçant au moins une composante sur ces 10 goûters par un aliment naturel (fruit par exemple) ou une préparation « faite maison », on arrive alors à une moyenne de 28g de sucres libres par goûter ce qui représente 47 % des apports conseillés pour les 4/7 ans et 40 % pour les 8/12 ans.
Le deuxième constat est donc l’impact induit par l’utilisation de goûters industriels sur la consommation de sucres libres des enfants. La différence avec le « fait-maison » réside dans le fait de pouvoir contrôler la quantité de sucres ajoutés que l’on met dans les préparations. Il est donc plus facile de limiter les sucres ajoutés, si l’on diminue leur proportion dans les recettes traditionnelles qui reste cependant toujours chargées en sucres ajoutés avec une moyenne de 15 à 20g par portion en général (voir plus pour un quatre quart). On voit cependant de plus en plus de livres de recettes consacrés au petits déjeuners et goûters pour enfants, pauvres en sucres ou sans sucres ajoutés. (exemple avec les « p’tits déj’ et goûters pauvres en sucres de Magali Walkovitz »)
Peut-être faut-il aussi prêter attention au choix des composantes du goûter car il demeure des croyances et méconnaissance au sujet des teneurs en sucres de certains produits.
D’après l'enquête, 63,4 % des parents pensent qu’il y a moins de sucres dans une briquette de jus de fruits 100 % pur jus, que dans deux biscuits fourrés au chocolat type Prince. Pourtant il y en a près de 2 fois plus.
Cela nous prouve que l’information à destination des parents est essentielle pour montrer l’intérêt par exemple, de remplacer les jus de fruits par un fruit frais (moins sucrés, contenant des fibres et des vitamines et dont l’index glycémique est plus bas). De plus, selon l’analyse nutritionnelle des goûters, les plus sucrés sont ceux contenant un soda ou un jus de fruits (dépassant sans difficultés les 50g de sucres libres!).
Un autre aspect plus psychologique peut aussi contribuer à augmenter la quantité de sucres consommés dans les goûters, il s’agit de la relation entre le sucre que l’on considère comme une récompense ou que l’on donne dans l’intention de « faire-plaisir » à son enfant. 88 % des parents interrogés déclarent tenir compte des goûts de leur enfant pour composer leur goûter. Sachant l’attirance innée qu’on les enfants pour le goût sucré, on se doute alors que pour lui faire plaisir, on aura tendance à se tourner vers les produits les plus sucrés. D’expérience, un petit beurre surmonté d’une plaque de chocolat aura plus de succès que le petit beurre nature.
D’après l’article du magazine cerveau et psycho n°93 « Le sucre exerce un effet d’attraction et une forme de récompense au moins comparables à ceux des stupéfiants » on peut donc comprendre la difficulté au quotidien de lutter contre ces envies qu’il suscite, entretenues par les habitudes alimentaires du quotidien et les sollicitations extérieures permanentes. Il s’agit donc d’un travail à mener sur le long terme.
LES SOLUTIONS ENVISAGEABLES ET LES ACTIONS POSSIBLES
Malgré cette utilisation massive de produits industriels, 73,2 % des parents souhaiteraient pouvoir élaborer eux-mêmes le goûter de leur enfant et 61 % ne souhaitent pas déléguer cette tâche à une institution comme l’école, jugeant donc qu’il s’agit de leur responsabilité. Cette bonne volonté montre majoritairement une envie dont il faut tenir compte, appuyée par le fait que 78,1 % d’entre eux se déclarent inquiets de la consommation de sucre de leur enfant (dont 22 % très inquiets), ce qui pourrait justifier la pertinence d’actions telles que :
- flyer à destination des parents, distribués à l’école (éducation nutritionnelle parents) sur qualité et quantité, notion d’IG, astuces simples lors des courses (étiquettes) etc.
- création de nouvelles recettes de goûters faciles moins sucrés
- atelier de préparation du goûter à l’école pour les enfants (garderie périscolaire) personnels volontaires
Pour aller plus loin, une loi obligeant les industriels à indiquer les teneurs en sucres ajoutés sur la déclaration nutritionnelle de leur produits (clairement visible sur les emballages)
Le mot de la fin ...
Le goûter constitue un repas à part entière pour les enfants qu’ils consomment avec plaisir et qui reste à tendance sucré (habitude alimentaire encrée). On a vu qu’il pouvait être en partie responsable de l’excès de consommation de sucres libres chez les enfants de 4 à 12 ans notamment lorsqu’il est composé de produits industriels ou lors du choix de composantes particulièrement sucrées mais ignorées des parents. Des actions simples peuvent être menées visant à changer les comportements alimentaires à l’intérieur des foyers grâce aux parents qui se sentent concernés et dans le but d’une réduction de cette consommation de sucres libres par les enfants. Ce travail représente une partie non négligeable de la lutte contre l’obésité infantile car il touche au quotidien des enfants et peut donc apporter rapidement des bienfaits sur leur santé et leur donner des repères de consommation qu’ils pourront à leur tour transmettre aux générations futures.
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